Je le regarde s’éloigner.
Il s’est garé là où il s’arrêtait
sur le chemin de l’école il y a 25 ans pour nous laisser glisser dans la boite
aux lettres les courriers à poster.
Je le regarde marcher.
Je le regarde comme si je voulais
me souvenir. Que je connais sa démarche, que je connais sa carrure, que je
connais sa silhouette, que je la reconnaîtrai toujours. Même quand il sera très
vieux et qu’il ressemblera davantage encore à son père…
Il ne sait pas que je le regarde.
Et je m’amuse justement à deviner
chacun de ses gestes. Là, il va tourner la tête, la baisser peut être pour
vérifier les adresses, et se retourner une fois les plis déposés… me regarder,
moi qui l’attends dans la voiture et qui n’ai pas cessé de le regarder. Il va
percevoir dans mes yeux un sérieux sans doute, un regard qui l’interpelle. Il
va sourire, et faire un signe de la main. Se dépêcher de remonter. Ecarter une mèche de ton front.
Assis, tousser un peu, remonter le zip de sa veste, dire un mot sans
doute sur l’horaire du train.
Ils n’aiment pas nous voir partir.
Je le sais mieux maintenant.
Et tu arrives à quelle
heure ? Je réponds sans faire attention, je veux juste me souvenir. Que
nous étions côte à côte. Des milliers de fois nous nous sommes trouvés à côté
de toi dans la voiture, et des échanges qui ont changé… Du concerné : Pas de
chocolat dans la voiture, à l’inquiet : qui est-ce qui te ramène…
Et que jamais je n’ai peur près
de toi Papa…




